Masques chirurgicaux en EHPAD : durée optimale et bonnes pratiques de port

31 mai 2025

Pourquoi la durée de port du masque chirurgical importe-t-elle en EHPAD ?

Les masques chirurgicaux sont devenus le symbole de la prévention des infections en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). Au fil des épidémies, leur usage s’est généralisé, mais chaque professionnel s’est déjà interrogé : combien de temps peut-on réellement porter un masque chirurgical pour qu’il reste efficace ?

Cette question n’est pas qu’une affaire de confort ou d’habitude. Elle conditionne en réalité la protection des résidents comme des professionnels, la gestion des stocks, ainsi que la réduction des risques d’inconfort ou d’allergie liés à un port prolongé. Au quotidien, la tentation de garder le même masque face à la pression de temps et d’organisation existe. Pourtant, c’est bien le respect des durées d’usage et des consignes qui fait la différence.

Les recommandations officielles : que disent les sources fiables ?

Les consignes françaises sont principalement émises par des organismes tels que le Haut Conseil de la santé publique (HCSP), la Société Française d’Hygiène Hospitalière (SF2H), Santé Publique France, ou encore l’ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament).

  • Durée maximale conseillée : 4 heures. Le HCSP (Avis du 20 mars 2020, réévalué en 2022) préconise de ne pas dépasser 4 heures de port continu pour un masque chirurgical à usage unique, source.
  • Changement immédiat lors de saturation (masque mouillé, souillé, déchiré), ou dès qu’il a été ôté, même momentanément (par exemple pour boire, manger, répondre au téléphone sans le masque).
  • Un masque = un usage (une séquence de soins ou une même activité de prise en charge sans rupture : SF2H).

Il n’existe donc pas de « tolérance universelle » en cas de confort ou de praticité. Après 4 heures, la capacité de filtration comme l’étanchéité ne sont plus garanties.

Pourquoi 4 heures, et pas plus ?

La durée maximale repose sur plusieurs critères observés et validés :

  • Dégradation de la filtration au fil du temps : La capacité du masque à bloquer les particules fines (< 3 microns) diminue avec l’humidité due à l’expiration, à la transpiration et aux postillons (Oberg T, Brosseau LM, 2008 – American Journal of Infection Control).
  • Alteration du confort et ajustement : Après plusieurs heures, le masque peut glisser, se distendre ou irriter la peau. Ce relâchement peut inciter à le toucher, ce qui augmente le risque de contamination croisée.
  • Accumulation de microorganismes : Au-delà d’un certain seuil, le masque devient un support potentiel pour les agents pathogènes, surtout dans des lieux où la contamination est susceptible d’être fréquente (étude: "Microbiological contamination of surgical masks", Borkow G. et al., 2010).
  • Barrière affaiblie si humidité : Le masque perd jusqu’à 50 % de son efficacité filtrante s’il est humide, selon l’OMS source.

Toutes ces raisons expliquent pourquoi la durée n’est pas arbitraire. Elle vise à maintenir une protection cohérente, à limiter le gaspillage tout en évitant la prise de risque inutile.

Dans la réalité du terrain : questions fréquentes et cas particuliers

La théorie se heurte parfois à la pratique et aux impératifs quotidiens en EHPAD. Voici les principales situations rencontrées, avec leurs réponses.

Que faire en cas de tension d’approvisionnement ?

  • Les recommandations ne changent pas : maintenir la durée maximale de port à 4 heures, pas davantage.
  • En cas de pénurie extrême, il faut privilégier les situations à risque (soins directs, gestes invasifs, isolement) pour le port systématique, tout en encourageant le port correct lors des autres séquences de travail.

Peut-on remettre un masque en place s’il a glissé sur le menton ?

  • Non, car toute manipulation du masque augmente le risque de contamination par les mains ou l’environnement.
  • Une fois ôté ou déplacé, le masque doit être jeté et remplacé par un neuf.

Changement de masque entre deux chambres ?

  • Selon la SF2H, il n’est pas nécessaire de changer de masque entre chaque chambre si il n’y a pas d’acte à haut risque (aérosols, soins souillants) ou si l’établissement ne gère pas de patients en isolement pour infection transmissible.
  • En cas d’excréteurs (patients porteurs d’infections respiratoires, ou Covid-19), le changement est requis à chaque sortie d’unité, voire de chambre.

Masque perçu comme humide alors qu’il ne l’est pas visiblement : dois-je le changer ?

  • Oui, car la sensation de moiteur signale une altération (liée à la température, l’humidité expirée), même si ce n’est pas évident à l’œil nu.

Conseils pratiques pour limiter l’inconfort du masque au travail

Porter un masque pendant plusieurs heures, notamment lors des activités rapprochées auprès des résidents, peut s’avérer difficile. Quelques astuces permettent de vivre cette contrainte plus sereinement :

  1. Bien positionner le masque dès la première mise en place : ajuster la barrette nasale, assurer l’étanchéité aux joues pour réduire la buée sur les lunettes.
  2. Changer de masque au moment des pauses : profiter des temps d’alternance pour renouveler le masque, et limiter ainsi la sensation d’effritement ou de chaleur sur la peau.
  3. Avoir à disposition des masques de tailles adaptées : les masques trop grands ou trop petits créent des inconforts et augmentent le risque de mauvaise protection.
  4. Hydrater la peau régulièrement : appliquer une crème barrière avant la prise de poste pour limiter les irritations (éviter toutefois les corps gras sous le masque pour ne pas altérer sa filtration).
  5. Bien se laver les mains avant et après la manipulation : essentiel pour éviter la transmission par les mains lors des changements fréquents.

Des chiffres-clés sur le port du masque en EHPAD

  • 89 % des professionnels en EHPAD déclarent avoir prolongé le port du masque au-delà de 4 heures lors de la pandémie (étude IPSOS/SF2H 2021).
  • Jusqu’à 4 fois plus de micro-organismes sur la face externe d’un masque porté plus de 6 heures, comparé à un masque changé après 4 heures (Borkow G. et al., 2010).
  • 25 minutes : c’est la durée moyenne observée par l’OMS entre deux manipulations (touchers, réajustements) d’un masque mal toléré — chaque contact augmentant le risque de contamination croisée (source).
  • 1 à 2 % d’allergies de contact dues à la composition de certains masques (polypropylène, élastique), selon l’ANSM.

Ce qu’il faut retenir et perspectives pour les professionnels

Le respect de la durée de port du masque chirurgical s’impose comme un pilier de la prévention des infections en EHPAD. Limiter le port à 4 heures, renouveler immédiatement en cas de souillure ou d’humidité, éviter toute manipulation superflue : ces mesures constituent un reflexe à intégrer, aussi bien pour protéger les résidents que pour préserver sa propre santé.

Les contextes de tension d’approvisionnement ou les contraintes organisationnelles ne doivent pas faire oublier l’importance du geste barrière « masque ». Adapter, informer, renouveler les formations et impliquer toutes les équipes dans une approche de prévention partagée permet de maintenir la vigilance et la sécurité au quotidien.

À l’avenir, l’innovation concernera sans doute la création de masques plus confortables, limitant l’humidité et facilitant leur port sur la durée. En attendant, s’appuyer sur les recommandations existantes reste le meilleur moyen de travailler sereinement en EHPAD, pour le bien-être de tous.

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